• Et voilà, depuis à peine deux mois, je suis en seconde année d'école d'infirmières. Enfin, je ne fais plus parti de "petits", enfin les -ex- deuxièmes années ne nous ignorent plus, enfin j'ai des choses à apporter aux autres. 

     

    Comment j'en suis arrivé là ?

    Tout a commencé en Janvier 1992. Alors que ma mère faisait du jardinage, elle est tombé sur un drôle de choux. J'étais dedans, alors elle m'a attrapé : "Comme tu es mignon, je vais t'appeler R. Viens à la maison te rechauffer un peu."

    J'ai un peu grandi. Etant môme, je voulais être vétérinaire. Les animaux c'était mon truc. Après, j'ai voulu être médecin. Après, je suis arrivé au collège, et, malgré mes bonnes notes, j'ai bien vu que l'école, ce n'était pas mon dada. J'ai bien fouillé, et, depuis bientôt 8ans, j'ai toujours voulu être infirmier.

    J'ai encore un peu grandi, j'en ai maintenant 21. Aujourd'hui élève infirmier de deuxième année, j'aime aider les autres. Non, pas "j'aime les autres", j'aime les aider. En réalité, je suis quelqu'un d'assez réservé, introverti, voir même limite associable. Mais j'aime le contact à l'autre, découvrir les personnes, les amener à se confier, leur offrir une oreille attentive. Je suis là parce qu'être infirmier, c'est avoir des connaissances que les autres n'ont pas forcément, et s'en servir pour les aider au mieux. Penser pour mieux panser. Et parfois, les aider ne signifie pas les soigner, mais les écouter, leur parler. C'est aussi -suivant- les services, apprendre à connaitre les patients, mais seulement -plus ou moins selon les services- qu'en façade. On a affaire a des personnes d'horizons différents, avec des connaissances, des cultures différentes, des caractères et des vécus différents, et c'est ça que j'aime. On a affaire à des personnes vraies, brutes, qui parfois ont peur de leur maladie, refusent la réalité, ou essaye au contraire de l'affronter, mais nous, en temps que soignants, nous nous devons d'être un soutien pour eux, et de marcher à leurs côtés. Nous nous devons de nous adapter autant que possible à eux, parce qu'avant d'être des noms de maladies ou des numéros de chambres, ce sont de personnes. J'imagine que chaque personne a des choses à m'apporter. Ce n'est pas toujours facile de devoir faire face à quelqu'un qui pleure, qui te parle de sa femme décédée ou de ses enfants qui ne viennent plus la voir, mais c'est un contact.

    J'aime ce contact, et j'aime soulager les peines. 


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  • Ce matin, j'arrive comme depuis quelques semaines maintenant sur mon lieu de stage, l'Unité de Soin Intensifs en Cardiologie, USIC pour les intimes. Levé a 5h30, 35mn de route, j'arrive, je suis au taquet. Plein de bonne volonté, j'arrive tout sourire, jusqu'à ce qu'on m'apprenne qu'aujourd'hui, je vais travailler avec un infirmier qui m'ignore ou me rabaisse depuis le début de mon stage. C'est sur, c'en est fini de moi.

    La matinée avance, doucement. On en arrive au moment le plus excitant pour moi en temps qu'élève : ma première gazométrie. L'infirmier me dit "sans vouloir me mettre la pression", que lui, il n'en a jamais raté une seule. Hum, j'ai pas intérêt à la foirer celle là.

     

    Mr D. est un sacré bonhomme, 69ans, rentré avec difficultés respiratoires. C'est un bon vivant malgré que son dossier dévoile un syndrome dépressif. Il a une VNI(ventilation non invasive)  pour l'aider à respirer. Saturation à 97%, pas trop mal. Il a aussi une jolie sonde urinaire qui décore le pied du lit. Il passe ses journées allongé, accroché au téléphone malgré le masque qui lui écrase le visage.  C'est un monsieur très agréable, très bavard, et qui accepte toujours bien volontiers de me laisser exprimer mon envie de torture apprendre. Je dois l'avouer, c'est un peu mon chouchou.  Quoi qu'il en soit, le patch d'EMLA a eu le temps de faire effet, me voilà dans sa chambre accompagné de Môsieur l'infirmier. 

     

    Tout est déjà prêt, y'a plus qu'à. Je préviens le patient, je lui explique pourquoi je vais lui faire cette piqûre, mais il sait déjà tout ça, ses bras en témoignent. Je sens bien son pouls, j'écarte un peu mes doigts et hop, "Je pique". Je sens brièvement l'aiguille rentrer, tandis que ce pauvre Mr D. esquisse un petit "ouuuuh ouhlala, ça fait pas du bien ça hein..." Je m'excuse de lui faire mal, et je rajoute que je ne suis pas (encore) un expert, mais que je fais de mon mieux. Il me répond "Ah mais non, ce n'est pas vous, c'est le truc là, quand je fais pipi ça me fait comme des lames de rasoir." Ouf, j'en suis presque soulagé, je ne suis peut-être pas si nul après tout. Et en plus de ça, la sang monte dans la seringue ! Best day of my life. Et là, le sang s'arrête, presque instantanément. D'ailleurs, je soupçonne l'infirmier d'être le responsable et d'avoir utilisé je ne sais quelle sorcellerie pour me duper... Ou alors j'ai peut être trop comprimé l'artère en voulant sentir le pouls de Mr D... Bref, on ne saura sans doute jamais à qui la faute. Je maudis alors chaque hématie de ne pas vouloir monter, chaque battement cardiaque de ne pas envoyer une petite giclée de sang. J'ai beau sacrifier des animaux à la gloire de Satan, pleurer des larmes de crocodiles, invoquer les esprits, essayer de rentrer ou sortir mon aiguille, la seringue ne se remplit plus. Échec cuisant pour ma première gazométrie. Aller, quitte à en rater une, autant en rater deux, j'essaye sur son autre bras : échec, ce bras là aussi a sûrement été piégé...

    Je transpire un peu, tellement je me suis concentré, et tellement je suis déçu d'avoir échoué deux fois d'affilé alors que mon encadrant n'en a jamais raté. Bon, j'ai quand même un peu de compassion en voyant ce pauvre patient souffrir le martyre sous mes coups d'aiguilles, alors je laisse la main, espérant voir où était mon erreur. Miséricorde ! L'infirmier rate à son tour ! Me voilà partagé entre l'empathie que j'ai pour Mr D. et la satisfaction quant à l'échec de mon confrère. La joie l'emporte, merci Seigneur d'avoir écouté mes prières. Et en plus de ça, je vois que ça fait rigoler Mr D., mais l'infirmier a pas l'air de rigoler, lui, au contraire. Il fouille, il trifouille, il triture, il torture... Rien à faire.  Il retente un coup, et c'est la bonne.

     

    Dès demain, je contacte la direction, il va falloir renommer le service en Unité de Souffrance Intense et de Charcuterie.


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